Après son retour définitif au pays, le 17 juin 2021, Laurent Gbagbo a rencontré Alassane Ouattara le 27 juillet.
Après son retour définitif au pays, le 17 juin 2021, Laurent Gbagbo a rencontré Alassane Ouattara le 27 juillet.

Côte d'Ivoire/Comédie politique

26/12/2021 13:35 | Lu 795 fois | Contribution

Le dialogue politique entre le pouvoir, la société civile et l'opposition reprend. C'est un dialogue sans fin. Après avoir usé les pantalons des Premiers ministres Amadou Gon Coulibaly et Hamed Bakayoko, il en est à sa cinquième phase. Ce premier round de leur successeur Jérôme-Patrick Achi a commencé par des ratés. Ouverts le jeudi 16 décembre 2021, les travaux, prévus pour débuter le mardi 21 décembre, ont été reportés au lundi 27 décembre parce que des participants n'ont pas déposé à temps leurs sujets et termes de référence devant constituer la base des discussions.
Autour de la table de négociation, il y a du beau monde: 21 formations politiques (8 groupements et 13 partis individuels) et 26 associations de la société civile. Oui, un fourre-tout de 47 acteurs devant le chef du gouvernement pour le tohu-bohu et la foire d'empoigne. Et comme d'habitude, parce que cela est fait à dessein pour noyer le poisson, il y aura des dindons de la farce d'un côté et des trouble-fêtes, de l'autre, pour maintenir le statu quo.En effet, ce dialogue politique est une comédie qui profite à toutes les parties prenantes. L'opposition déboussolée, qui s'est installée dans l'auto-destruction, saisit cette perche pour se donner une contenance. La société civile qui se trouve dans une profonde léthargie, trouve l'occasion de sortir de sa torpeur. Quant au pouvoir, il se sert de cette tribune pour gagner du temps dans sa fuite en avant, tourner en rond en faisant du surplace. Car, depuis l'accession au pouvoir, en 2011, d'Alassane Ouattara, les maux qui minent le pays sont connus et diagnostiqués: la réconciliation nationale, la commission électorale et le découpage électoral.

De la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR) à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), c'est l'État qui est mis face à ses responsabilités historiques pour décrisper l'atmosphère politique. Même les mentors occidentaux, à travers leurs chancelleries, ont sonné le tocsin, après la présidentielle du 31 octobre 2020, émaillée de violences meurtrières.

Car qui peut et doit délivrer à Charles Blé Goudé son passeport et l'autoriser, après son acquittement définitif le 31 mars 2021, à rentrer dans son pays, conformément aux dispositions constitutionnelles violées!? C'est l'État. C'est dans son camp que se trouve la balle de la réconciliation nationale. Mais il tourne autour du pot. L'État refuse de lâcher du lest, privilégiant le passage en force, la fraude et la tricherie qui pourrissent un climat politique délétère. Il en est ainsi du découpage électoral. En principe, les sièges ou les représentants d'une circonscription électorale sont fixés en fonction principalement de son nombre d'habitants et accessoirement de sa superficie.
Dans un découpage électoral équitable, le ratio "siège/nombre d'habitants" ne varie pas significativement entre les circonscriptions électorales. Or, particulièrement depuis 2011, l'État a taillé sur mesure les circonscriptions dans les bastions du parti présidentiel pour avoir mécaniquement la majorité à l'Assemblée nationale.

Les exemples foisonnent et, selon le recensement général de la population de 2014, nous n'en prendrons que deux pour illustrer la mascarade électorale orchestrée:
- Kong, chef-lieu de département dans la région du Tchologo (district autonome des Savanes) dispose, avec 87.929 habitants, de trois sièges au même titre que Bouaflé, siège de la région de la Marahoué (district autonome de Haut Sassandra-Marahoué) avec une population de 336.254 habitants;
- Avec une population de 210.000 habitants, Mankono, capitale de la région du Béré (district autonome du Woroba), bénéficie de quatre sièges; mieux que Yamoussoukro, capitale politique qui, avec 300.000 habitants, n'a que trois sièges.

C'est dans le camp de l'État que se trouve ainsi la balle de la transparence et de l'équité électorales, mais il ruse avec les règles du jeu. Par conséquent, ceci entraînant cela, l'État botte en touche la reforme d'une commission électorale inféodée. C'est cet organe qui, réellement indépendant, est chargé d'élaborer, sur des bases techniques et scientifiques, un découpage électoral crédible. Alors, tout le monde perd son temps à tout le monde dans des grands-messes folkloriques. Car, comme l'a dit Albert Einstein, "si tu fais toujours ce que tu as l'habitude de faire, tu récolteras ce que tu as toujours récolté", c'est-à-dire l'illusion d'un changement dans un dialogue pipé.

F. M. Bally